Violences
Derrière cette thématique se cachent deux conduites distinctes : la violence envers les autres et retournée contre soi.
Nous savons qu’un des facteurs de risque des conduites à risque chez les adolescents (et adultes) est justement un vécu de violences durant l’enfance.
Violence tournée vers les autres
Nous utiliserons dans cette catégorie le termine de délinquance pour toute violence tournée vers les autres. Cela regroupe donc les incivilités, les actes illégaux comme des vols, trafics, le viol, etc.)
Les actes de délinquance ne sont pas des actes de violence pures. Même si certains jeunes ne le conscientisent pas, c’est une quête de sensation (peur de se retrouver en face de plus fort, jouissance de la transgression, mort de l’autre dans un cas extrême…) et de défi personnel. « La délinquance s’enracine sur nombre d’ambivalences : mélange de souffrance et de plaisir, de rage et de jubilation, de tension et d’apaisement. (Le Breton, 2013, p.136) »
C’est une épreuve personnelle où l’on inscrit sa propre volonté dans le monde (en dépit des autres). « Il croit échapper à la loi commune et prendre symboliquement sa revanche sur les autres » (op.cit.).
Les sensations de puissance s’apparentent à celles que ressentent les sportifs une fois une épreuve passée et réussie. « La satisfaction de l’avoir fait, d’avoir été à la hauteur, a un effet de renforcement identitaire, de narcissisation. La délinquance est une autre voie pour « tester ses limites », « savoir de quoi on est capable », etc., mais au lieu de s’exercer dans un affrontement personnel au monde, elle se joue dans l’affrontement à l’autre dans un contexte d’affirmation de valeurs viriles. Au lieu de défier la nature, elle défie le lien social. » (op.cit., p.137)
Pourquoi ?
Plusieurs facteurs poussent à des actes de violence/délinquance. C’est un phénomène complexe.
La précarité : le commerce de contrebande et le deal de substances est souvent en lien avec une précarité.
L’empathie : souvent, ces violences sont liées à une difficulté d’empathie, à une impossibilité de se mettre à la place de cet autre qu’on maltraite (racket, coups, insultes).
« Ils n’ont plus la même puissance de prévention face à certains comportements comme on l’observe dans les différentes formes de violences scolaires ou dans le happy slapping où l’impossibilité de s’identifier à la victime amène en toute indifférence aux pires exactions à son égard en filmant des viols, des agressions, des provocations et en diffusant les images sur les réseaux sociaux. » (Le Breton, Adolescence et conduites à risque)
Violence (re)tournée vers soi
« Le corps, perçu comme un enracinement douloureux à une existence désavouée, est indirectement le lieu où la haine de soi se détourne (Le Breton, 2013, p.123) »
Ces violences regroupent les tentatives de suicide (et suicide), les scarifications, certains jeux dangereux (jeu du foulard…).
Tentative et suicide
« Je voulais vivre, c’est pourquoi je devais mourir » (Nitezsche)
En France, en 2010, environ 500 jeunes (moins de 24 ans) se tuent, chaque année (moins que les adultes). Les tentatives sont entre 40 et 50 fois supérieures que les suicides (plus que les adultes)…
Le suicide constitue la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans (16% des décès dans cette classe d’âge ; source : CépiDc, ONS, 2016).
Pourquoi ?
Contrairement aux idées reçues, les tentatives de suicide sont en fait des tentatives de vivre, une manière d’exister et d’appeler à l’aide. Ces jeunes veulent juste que la douleur s’arrête, ils veulent tuer la souffrance. Ce n’est pas la mort qui est visée mais être délivré de soi.
« Les tentatives de suicide fournissent un mode symbolique d’affrontement au monde et à la mort permettant de mieux se situer et se comprendre. (op.cit., p.127) »
Parfois, la tentative de suicide est aussi une façon de nommée un acte qui a été traumatisant (inceste, viol…) ou d’une mauvaise entente familiale (séparation, abandon, maltraitance, indifférence).
Chez les jeunes filles, les conditions choisies préservent le corps et sont moins mortels (médicaments ou incision des veines). En revanche, le décès touche trois fois plus les garçons qui utilisent des moyens plus radicaux (pendaison, défenestration, arme à feu…).
Les motifs sont diverses et variés. Ces jeunes prennent les épreuves de la vie, sans distance. Bien souvent, il y a une souffrance diffuse dont une goutte d’eau (rupture, mauvaise note, conflit familial…) vient déborder le vase. Ils peuvent peu communiquer dans leur famille ou celle-ci échoue à s’établir.
Les principaux facteurs associés au suicide sont les troubles dépressifs et une consommation importante de substances psychoactives (Fergusson et al. 2000).
Mais attention, un acte tel que le suicide relève d’une étiologie multifactorielle mêlant personnalité, santé mentale, situation familiale, scolaire et/ou professionnelle, et associée au lieu de vie et au sexe.
Récidive
Afin d’éviter une récidive, il est nécessaire d’éviter une banalisation de l’acte et une indifférence du jeune. Une des phrases qui peut être dite est « Il ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait… ». Si.
Scarification
Rachel Lips. Les conduites a` risque des adolescents : le cas de la scarification. ´Education. 2013.
A l’adolescence, l’individu doit faire de « deuil » de son corps d’enfant pour accepter son corps d’adulte. Le sentiment d’identité est alors douloureusement questionné. Dans « le complexe du homard », Françoise Dolto nous dévoile la fragilité qui règne à l’adolescence : « L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même ». A l’adolescence, l’identité personnelle c’est-à-dire l’ensemble des croyances, des sentiments et des projets rapportés à soi, subit une évolution importante. C’est une période au cours de laquelle l’individu cherche à se construire et à se définir en tant que personne. Comme le souligne Erikson, l’adolescent est véritablement en quête d’une définition de soi. Lors de l’adolescence, beaucoup ont recours à des identités provisoires; autant d’étapes jalonnant la longue définition de leur identité personnelle.
Plus qu’une conduite à risque, certains parlent même de « conduite de rupture » que l’on peut rapprocher de la boulimie ou de l’ivresse alcoolique. Certains auteurs comme Xavier Pommereau (auteur et pédopsychiatre) expliquent que quelques années auparavant, ces conduites de rupture se traduisaient davantage par des fugues, des comportements entrainant un mauvais relationnel, une mauvaise relation avec autrui. Il semblerait que la société actuelle et la place de plus en plus grande qu’elle accorde à l’apparence, à la marque ait augmenté la pertinence pour les jeunes de laisser des traces « visibles » de leur mal-être ou souffrance et notamment sur leur corps.
Les scarifications sont en nette augmentation depuis une dizaine d’années (Le Breton, Pommereau, Choquet). Aussi, les résultats de l’enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) effectuée en 2001 par Marie Choquet et Xavier Pommereau auprès des jeunes de 11 à 19 ans qui consultaient les infirmières scolaires donnent quelques indications. A la question « Vous est-il arrivé de vous faire mal (couper, brûler) volontairement ?« , 26,7% des filles et 20,6 % des garçons appartenant à ces élèves fréquentant régulièrement l’infirmerie de leur établissement reconnaissent l’avoir fait une ou plusieurs fois au cours de leur vie et respectivement 18,4 % et 15,4% au cours des douze derniers mois. Ces pourcentages ne sont pas révélateurs de la population générale des adolescents, car les jeunes qui viennent consulter à l’infirmerie sont plus souvent en situation de mal-être, mais ils sont néanmoins préoccupants.
CHOQUET M., POMMEREAU X., LAGADIC C., Les élèves à l’infirmerie scolaire : enquête auprès de 21 établissements scolaires du département de la Gironde. Rapport pour la Direction générale de la santé, 2001.
LE BRETON D., Signes d’identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles, Métailié, Paris, 2002.
POMMEREAU X., BRUN M., MOUTTE J-P., L’adolescence scarifiée, L’Harmattan, Paris, 2009.
Ils en parlent
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