Un cri d’alerte est lancé par des professionnels de la petite enfance en France : avant 6 ans, la surexposition aux écrans nuirait gravement au développement cérébral.
« Nous savons que plus les premiers usages ou abus sont précoces plus les risques de dépendances sont au rendez-vous, qu’il s’agisse de l’alcool, du cannabis… » (W. Lowenstein)
L’alerte a commencé avec le Dr Anne-Lise Ducanda, médecin de la Protection maternelle et infantile du département l’Essonne, avec une vidéo de 20 minutes sur « Les écrans un danger pour les enfants de 0 à 4 ans ». Cette spécialiste fait part de son expérience et fait le lien avec les «troubles du spectre autistique» et les «troubles envahissant du développement». Elle s’est également expliquée dans les colonnes du Figaro (mi-mai 2017).
«En 2003, 35 enfants en difficulté m’étaient signalés par les écoles sur 1.000 élèves de maternelle en petite et moyenne section de l’Essonne. Depuis un an et demi, on m’en a déjà signalé 210 en grande difficulté. Toutes les semaines, je suis sollicitée pour de nouveaux cas. À force d’en voir, j’ai fini par faire le lien avec leur consommation d’écrans. Et je ne parle pas d’enfants qui regardent la télévision une heure par jour! La plupart de ceux qui me sont adressés passent au moins six heures par jour devant des écrans. Les troubles sont plus graves qu’il y a quinze ans et disparaissent dans la majorité des cas quand les parents arrivent à “déconnecter” leurs enfants.»
« L’écran, c’est la tétine d’aujourd’hui. Pourquoi les parents se passeraient des écrans pour “calmer” leur enfant alors que personne ne les a mis en garde? Ils sont rassurés, car leurs enfants ne regardent que des programmes qui leur sont destinés ou des petites applications dites “éducatives” pour apprendre les couleurs ou l’anglais. Ils s’émerveillent de leur habileté et pensent que plus tôt on initie les bébés aux outils numériques, mieux ils seront armés pour le futur.»
L’alerte a continué, il y a quelques jours avec un collectif de professionnels de la petite enfance (médecins pédiatres, pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes) qui lançait un cri d’alarme dans les colonnes du Monde: La surexposition des jeunes enfants aux écrans est un enjeu majeur de santé publique.
«S’inquiéter de ce phénomène, alerter les parents et les pouvoirs publics? Mais bien évidemment, a déclaré à Slate.fr le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Nous savons que plus les premiers usages ou abus sont précoces plus les risques de dépendances sont au rendez-vous, qu’il s’agisse de l’alcool, du cannabis ou de la fréquentation des travailleuses du sexe… D’autre part, la neuro-excitation incessante produite par ses écrans ne peut que “plisser” les cerveaux de façon durable. Enfin, les écrans à la place des parents ou de la nounou ne peuvent que limiter le développement, l’apprentissage de l’altérité. Il en va de même pour l’endormissement avec les mêmes films revus mille et une fois. Comment développer une pensée libre quand elle est toujours occupée? Le trop plein d’écrans chez les tout-petits façonnent un nouveau cerveau humain; un cerveau certes hyperconnecté mais un cerveau déshumanisé.»
Cela ne concerne pas que la France : dans d’autres pays des campagnes de prévention commencent à se mettre en place. En Allemagne, elles ont lieu dans les crèches pour inciter les parents à regarder leur bébé ; à Taïwan, des amendes de 1.400 euros peuvent être imposées à un parent qui laisse son enfant de moins de 2 ans devant les écrans (plus de la répression que de la prévention…).
Attention au lien avec l’autisme !
La corrélation établie par le Dr Ducanda entre une surexposition précoce aux écrans et les « troubles du spectre autistique » a suscité des critiques de la part de certains scientifiques.
«Ces constats n’ont pas la même valeur que des études épidémiologiques. Ce médecin de PMI est en contact avec une fraction de la population qui n’est pas forcément représentative et en tire des conclusions générales, a déclaré au Figaro Franck Ramus (directeur de recherches au CNRS au sein du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques). Il ne faut pas oublier qu’une très forte exposition aux écrans est corrélée au niveau socio-économique des familles. Il faut aussi prendre en compte les conditions de vie, la manière dont parents et enfants interagissent. Quel est l’impact spécifique des écrans sur le développement? C’est une question à laquelle il n’est pas si facile de répondre.»
Il est donc utile d’attendre le résultat d’études scientifiques qui pourraient valider (ou non) un lien entre l’augmentation du nombre d’enfants diagnostiqués victimes de troubles du spectre autistique et l’omniprésence des écrans.
Pour l’heure, les pouvoirs publics français n’ont toujours pas réagi à la mobilisation des professionnels (et le gouvernement a changé). Selon des professionnels de la santé, des campagnes nationales doivent être menées – en se préservant des conflits d’intérêts avec l’industrie du numérique et de l’audiovisuel.
Pour lire l’article en ligne : L’addiction aux écrans, maladie grave chez les enfants de 0 à 4 ans